Est ce que cet article t'aide un peu ???
"Les soins infirmiers ne peuvent s'exercer que dans la communication fonctionnelle, thérapeutique ou pédagogique. Pour apprécier si la personne a besoin de soins infirmiers et lesquels, l'infirmière est en recherche permanente de renseignements. Cette recherche s'effectue soit par l'observation, soit par la lecture des différentes données rapportés par les membres de l'équipe pluridisciplinaires, soit par l'entretien. C'est l'analyse de ces différentes données qui mènera au diagnostic infirmier. La communication entre l'infirmière et la personne soignée doit donc atteindre une qualité et une efficacité qui permettent de comprendre comment et jusque dans quelles limites cette personne pourra être aidée par des soins infirmiers.
Si en France, il existe bien une relation entre l'infirmière et la personne soignée (le contraire serait impossible, il n'est de soins que relationnels), cette relation est souvent marquée par de la distance, par un équilibre plus ou moins précaire entre implication et évitement. Si la proximité se réalise souvent dans le soin technique (par le toucher au moment d'une toilette effectuée le plus souvent par un aide-soignant, d'une injection, d'un maintien physique), elle ne se reproduit pas véritablement dans une communication verbale authentique. C'est ainsi que deux soignants peuvent parfaitement communiquer entre eux pendant un soin sans s'adresser à aucun moment à la personne soignée.
Pour recueillir des données nécessaires à l'identification d'une problématique, pour créer une véritable relation de confiance, pour utiliser la relation à des fins thérapeutiques, l'infirmière doit pouvoir accéder à la " distance personnelle ", voire intime. L'empathie ne se pratique pas dans le distance sociale. Cette nécessité présente une réelle difficulté pour l'infirmière française. Dans notre culture, l'infirmière pense qu'elle " viole " la personne soignée dans sa vie privée, si elle entre en contact intime avec elle. La distance personnelle est réservée aux relations familiales.
En psychiatrie, quoi qu'on puisse en dire, cette problématique est présente. " Il ne faut pas entrer dans le délire. " " Il ne faut pas de relation duelle, pas de trop grande proximité avec le patient ". Il existe tout de même des façons de gérer la relation (réunions centrées sur la relation, supervision, etc.). Il existe de la même façon des théories qui permettent de la penser.
La formation en soins infirmiers est par ailleurs largement insuffisante en ce qui concerne l'apprentissage d'une communication professionnelle infirmière. De ce fait, l'infirmière éprouve une réelle difficulté relationnelle avec le patient, ce qui diminue sa capacité à recueillir des données et à utiliser la relation comme outil thérapeutique.
Il serait trop facile de stigmatiser cette incapacité " française " à entrer en relation intime avec le patient.
C'est peut-être dans ce domaine que l'écart culturel est le plus important.
Les diagnostics infirmiers et la pratique à laquelle ils renvoient sont issus d'une culture protestante. Le protestant a un rapport direct à Dieu. Il n'existe pas de hiérarchie ecclésiastique. Sa référence est la Bible qu'il interprète à sa façon et nul ne vient lui dire qu'il en fait une mauvaise lecture.
La France est une terre catholique. Le Pape représentant du Christ sur terre est éclairé par l'Esprit-Saint (comme le médecin ?), il est donc infaillible. La hiérarchie ecclésiastique est omniprésente. Le prêtre confesse le croyant et lui impose pénitence. La confession (ce que pourrait faire métaphoriquement l'infirmière en recueillant les données) est son apanage et est couverte par le secret de la confession, de la même façon que ce que dit le patient est couvert par le secret médical. Premières " infirmières " les sœurs connaissent bien la religion et ont transmis une culture du devoir, du savoir porter sa croix aux infirmières laïques. Le catholique lit peu la Bible, il n'en connaît le plus souvent que les passages lus par le prêtre lors de la messe.
Ces pratiques religieuses aux antipodes entraînent deux façons différentes de soigner. Cela est d'autant plus vrai qu'en psychiatrie par exemple, le traitement moral s'est élaboré à partir du modèle religieux laïcisé par les médecins. Ainsi, il sera aussi difficile à certaines infirmières de poser un diagnostic infirmier que de " confesser " un patient. Elles sont dans les deux cas confrontées à un interdit.
Ce n'est pas parce que les infirmières françaises s'interdisent certaines questions, une certaine proximité relationnelle qu'elles ne pourront pas recueillir certains types de renseignements. Elles feront des tours et des détours mais y arriveront. Leur façon de soigner est adaptée à leur culture. Utiliseraient-elles les mêmes recueils de données que leurs consœurs américaines que ceux-ci ne leur serviraient de rien. Les patients ne répondraient pas à leurs questions. Les patients, en arrivant à l'hôpital, s'attendent à un certain type d'interactions avec le médecin, avec l'infirmière, avec l'aide-soignante. Que le soignant ne respecte pas cette attente et le patient se fermera et réagira vigoureusement. Cette évidence que connaît chaque infirmière de terrain ne peut pas l'être d'infirmière de cabinets ministériels. Ainsi s'organise à nos dépens et à ceux des patients, une certaine forme d'ethnocentrisme. Il est amusant que cela se fasse avec l'aval de nos décideurs"
Source : http://www.serpsy.org/formation_debat/diagnostic/culutre_professionnelle.html